Le fléau des retours abusifs d’e-books sur Amazon : une menace pour les auteurs et l’intégrité du marché

Depuis plusieurs années, une pratique aussi insidieuse qu’injuste s’est développée dans les méandres numériques du marché de l’édition : le retour abusif d’e-books. Ce phénomène, qui pourrait sembler anecdotique ou marginal à première vue, prend aujourd’hui une ampleur inquiétante, en particulier sur des plateformes dominantes comme Amazon. Concrètement, des lecteurs achètent un livre numérique, le lisent parfois intégralement – du prologue jusqu’à l’épilogue, annotations comprises – puis, ni vu ni connu, cliquent sur le bouton « Rembourser », récupérant ainsi la totalité du prix d’achat. Résultat ? Un livre lu gratuitement, sans aucune compensation pour l’auteur, ni reconnaissance du travail fourni.

Cette tendance est d’autant plus problématique qu’elle est rendue possible – et même facilitée – par les politiques de retour particulièrement souples mises en place par Amazon. Pendant longtemps, un lecteur pouvait se faire rembourser un e-book dans un délai de sept jours, quel que soit le niveau de lecture atteint. Une faille béante, exploitée sans scrupules par certains consommateurs peu regardants sur l’éthique. Et le plus troublant, c’est que cette pratique ne repose sur aucun justificatif solide : il suffit de cliquer, et hop, l’argent revient comme par magie sur le compte bancaire du lecteur.
Le problème ne se limite pas à une question de principes. Les répercussions sont très concrètes, en particulier pour les auteurs indépendants, ceux et celles qui n’ont pas le soutien d’une grande maison d’édition et qui comptent sur chaque vente pour survivre. Pour ces créateurs, chaque remboursement injustifié est une perte directe de revenu. Pire : Amazon ne rembourse pas les frais de « livraison numérique », facturés à l’auteur à chaque téléchargement, même en cas de retour. En d’autres termes, non seulement l’auteur ne gagne rien, mais il peut finir par payer pour que son livre soit lu… gratuitement.
Ce comportement s’apparente à une forme de piratage légalisé par la plateforme elle-même. Là où le téléchargement illégal est au moins dissimulé, ici, l’acte est institutionnalisé, rendu banal par une interface qui ne remet rien en question. On pourrait s’attendre à ce que ce genre de pratiques déclenche l’alarme du côté des géants comme Amazon, mais en réalité, tant que les statistiques de trafic sont bonnes et que les livres circulent, la mécanique continue. Car Amazon, rappelons-le, ne vend pas seulement des livres : il collecte aussi des données, des habitudes de lecture, des préférences… et se positionne déjà comme un futur créateur de contenu via l’IA. Dès lors, pourquoi limiter une pratique qui, en creux, alimente son moteur de données ?
Il ne s’agit pas ici d’un procès à charge contre les lecteurs en général. Nombreux sont ceux qui respectent profondément le travail des auteurs et qui achètent leurs livres avec l’intention sincère de soutenir leur travail. Mais il faut reconnaître que l’anonymat du numérique, conjugué à l’absence totale de conséquences pour ceux qui abusent, a libéré certains comportements qu’on n’observerait jamais dans une librairie physique. Imagine-t-on un client feuilleter un roman pendant des heures, le lire du début à la fin en salle de lecture, puis le rapporter au libraire en demandant un remboursement parce que « finalement, ce n’était pas pour lui » ? Non. Et pourtant, c’est exactement ce qui se passe tous les jours en ligne.
Les auteurs, eux, n’ont aucun recours. Lorsqu’un remboursement est effectué, ils ne sont pas informés de l’identité du lecteur ni du motif du retour. Aucune discussion n’est possible. C’est une politique à sens unique, pensée pour satisfaire l’acheteur – en l’occurrence, au détriment total du créateur.
Ce qui rend la situation encore plus préoccupante, c’est la montée en puissance de ce phénomène à travers les réseaux sociaux. Des vidéos circulent sur TikTok ou YouTube, expliquant sans vergogne « comment lire des e-books gratuitement » en exploitant les politiques de retour. Des tutoriels entiers enseignent aux internautes comment « optimiser leurs lectures » en téléchargeant, lisant puis remboursant des dizaines de livres chaque mois. Ce n’est plus un comportement isolé : c’est devenu une stratégie recommandée, parfois même glorifiée.
Et dans ce contexte, ce sont bien les auteurs qui trinquent. Autoédités pour la plupart, ils cumulent écriture, révisions, corrections, promotion, gestion de leurs pages et de leurs réseaux sociaux… pour finir à perdre de l’argent à cause d’un système qui les ignore totalement. La frustration est immense, d’autant plus que certains de ces mêmes auteurs reçoivent en prime des commentaires désobligeants – parfois postés par les mêmes personnes ayant demandé un remboursement.
Ce phénomène met en lumière un déséquilibre profond entre la logique marchande d’Amazon et la réalité du travail créatif. Dans une économie où le contenu est roi, le producteur de ce contenu – l’auteur – reste pourtant le plus vulnérable. Et même lorsque des milliers d’auteurs ont signé des pétitions pour demander des réformes, la réponse de la plateforme est restée longtemps minimale.
Alors oui, depuis 2022, Amazon a enfin commencé à restreindre certains retours automatiques : lorsqu’un lecteur a dépassé 10 % du livre lu, il doit maintenant passer par le service client pour demander un remboursement. Cette mesure a été saluée comme un progrès. Mais est-ce suffisant ? Difficile à dire. Il reste encore trop facile d’abuser du système, et surtout, aucune transparence n’est imposée sur les raisons des retours ni sur leur fréquence.
En fin de compte, ce qui est en jeu ici dépasse la simple question des remboursements. C’est la reconnaissance du travail d’auteur dans l’univers numérique. La littérature ne peut pas être consommée comme une paire de chaussettes ou une ampoule LED. Elle engage un temps de création, une émotion, une sincérité qu’il serait temps de respecter.
Si l’on veut que le marché de l’autoédition prospère, que les talents émergents puissent se faire connaître, il faut impérativement revoir ces politiques. Il faut aussi éduquer les lecteurs sur les conséquences de leurs actes, comme on l’a fait pour la musique ou le cinéma. Oui, les livres sont chers parfois, mais ils ne le sont jamais autant que le prix payé par ceux qui les écrivent avec passion, et qui voient leur travail piétiné pour quelques euros économisés.
Et vous, la prochaine fois que vous hésiterez à acheter un e-book, posez-vous cette question : serais-je d’accord de le lire gratuitement si l’auteur, lui, devait payer pour que je le lise ? Parce que c’est exactement ce qui se passe quand vous le retournez après l’avoir lu.

Chouchouter ses clients mais à quel prix…

Amazon, dans sa volonté de chouchouter ses clients, a mis en place depuis des années cette politique de retour des e-books particulièrement souple. Cependant, cette politique, aussi généreuse soit-elle en théorie, pose d’énormes problèmes dans la pratique. Contrairement à la plupart des biens numériques (films, musiques, jeux vidéo, logiciels) qui, une fois téléchargés ou utilisés, ne peuvent plus faire l’objet d’un remboursement, les e-books sur Amazon restent étonnamment remboursables. Et cela, même après lecture complète. L’argument de la « satisfaction » se transforme alors en véritable brèche dans laquelle certains consommateurs s’engouffrent sans vergogne, transformant une offre de bonne foi en stratégie de consommation abusive.
Cette situation est d’autant plus préoccupante que des preuves de ces dérives circulent à foison sur les réseaux sociaux. Il existe des forums Reddit, des vidéos TikTok, voire des chaînes YouTube qui expliquent clairement comment profiter de cette faille pour lire gratuitement des dizaines de livres chaque mois sans jamais les payer. « Pourquoi payer pour lire quand on peut tricher en toute légalité ? », pourrait être leur slogan officieux.
Un article du site Just Publishing Advice cite les témoignages de plusieurs auteurs indépendants qui ont vu un taux anormalement élevé de retours sur leurs ventes d’e-books, parfois atteignant jusqu’à 30 % sur une semaine. Ces chiffres sont dramatiques pour un auteur autoédité qui touche déjà une rémunération souvent modeste (environ 2 à 4 € par livre vendu) et qui, pire encore, doit payer à Amazon des frais de livraison numérique non remboursés, même quand le livre est retourné. C’est donc un système dans lequel l’auteur perd de l’argent à chaque retour, sans savoir qui est à l’origine du remboursement ni pourquoi.
D’un point de vue structurel, Amazon ne semble pas avoir mesuré l’impact de sa politique sur les auteurs. Car dans la grande majorité des cas, les remboursements ne sont pas signalés comme abusifs, sauf s’ils deviennent très nombreux sur un même compte client. Le système est automatique et le processus de retour s’effectue en un clic, sans contrôle humain. De plus, aucun filtre ne bloque le remboursement, même après lecture complète, et aucun seuil de lecture n’est imposé par défaut.
Mais cette avancée reste fragile, car elle repose essentiellement sur la bonne volonté d’Amazon, qui ne rend pas publics ses chiffres concernant les retours d’e-books. Nous ne savons donc pas combien de remboursements sont demandés, combien de livres sont lus et rendus, ni quels auteurs ou genres sont les plus touchés. Ce manque de transparence alimente la frustration : les auteurs subissent, sans comprendre ni pouvoir réagir.
Par comparaison, d’autres plateformes de distribution numérique comme Apple Books ou Google Play Livres ne permettent pas de retours aussi flexibles, et leurs politiques sont bien plus restrictives, sauf en cas d’erreur manifeste ou de défaut technique. En ce sens, Amazon apparaît comme une anomalie dans le paysage de la distribution de contenus numériques, en laissant volontairement cette porte ouverte à l’abus.
Il faut également rappeler que les lecteurs ont déjà accès, avant achat, à un échantillon gratuit du livre (généralement entre 10 % et 15 %), ce qui permet amplement d’évaluer le style, le ton, la qualité de l’écriture, et l’intérêt général. C’est une offre plus que suffisante pour savoir si l’on souhaite ou non investir quelques euros dans l’ouvrage. Il est donc difficile de justifier les retours massifs comme étant des erreurs d’achat : ce sont bien souvent des stratégies déguisées de lecture gratuite.
En résumé, cette politique de retour soulève des questions éthiques majeures. D’un côté, Amazon protège l’expérience client, et c’est louable. Mais de l’autre, elle sacrifie le respect du travail créatif, surtout celui des auteurs autoédités qui ne bénéficient ni d’avance sur droits, ni de campagne marketing, ni de filet de sécurité financier.
Les lecteurs honnêtes en souffrent eux aussi, car ce système encourage une méfiance généralisée, un soupçon permanent autour de l’acte d’achat et des commentaires laissés sur les ouvrages (certains auteurs soupçonnent des lecteurs de « rembourser + commenter négativement » comme vengeance personnelle).
Dans un monde où l’économie de l’attention est cruciale, il est vital de rappeler que le travail d’un auteur mérite salaire. Que le respect d’un e-book commence par le fait de l’acheter – et de ne pas le rendre comme s’il s’agissait d’une passoire. Le numérique ne doit pas nous faire oublier que derrière chaque fichier EPUB ou MOBI, il y a des mois, parfois des années de travail.
Si Amazon veut continuer à jouer un rôle central dans l’autoédition, il lui faudra tôt ou tard trouver un meilleur équilibre entre les droits des lecteurs et ceux des auteurs. Car en l’état, la politique de retour actuelle, si elle favorise certains consommateurs peu scrupuleux, mine profondément la confiance dans tout l’écosystème de l’édition indépendante.

Des conséquences financières durables et démoralisantes pour les auteurs

Dans le monde de l’édition numérique, chaque centime compte, et les retours abusifs d’e-books ne sont pas simplement un petit tracas administratif : ils représentent un véritable gouffre financier et moral pour les auteurs, particulièrement ceux qui évoluent en solo grâce à la plateforme Kindle Direct Publishing (KDP) d’Amazon.
Contrairement à une maison d’édition traditionnelle, qui peut amortir les pertes sur un catalogue varié ou répartir les coûts entre divers services, l’auteur autoédité est seul maître à bord. Il finance, parfois de sa poche, la couverture, la correction, la mise en page, la promotion, les outils marketing, les images d’illustration (quand elles ne sont pas fournies par un photographe ou graphiste professionnel), et bien sûr, le temps d’écriture. Un investissement conséquent – parfois plusieurs centaines ou milliers d’euros – pour un livre qui, en théorie, peut rapporter entre 30 % et 70 % de commission par vente, selon le prix fixé.
Mais voici le hic : lorsqu’un lecteur retourne un e-book, cette vente est automatiquement annulée et les redevances sont rétractées du compte de l’auteur. Cela signifie que même si un livre a été lu en totalité, même si le lecteur a laissé un commentaire, même s’il a peut-être copié certains passages, l’auteur ne touche rien. Pire encore : il doit parfois de l’argent à Amazon.
Pourquoi ? Parce qu’Amazon facture aux auteurs des frais de livraison numérique, appelés “delivery costs”, qui varient selon le poids du fichier (images, mise en page, longueur du texte). Ces frais – souvent négligeables en apparence (quelques centimes par exemplaire) – ne sont jamais remboursés, même si l’ebook est retourné. Résultat : dans certains cas, l’auteur peut voir son solde de redevance devenir négatif, notamment lorsqu’un pic de retours coïncide avec une campagne promotionnelle.
Un auteur américain indépendant, interrogé par Medium, raconte comment après avoir vendu plus de 150 e-books en un mois grâce à une promo ciblée, il s’est retrouvé avec plus de 40 retours dans les jours suivants, certains lecteurs ayant visiblement profité de l’offre… pour tout lire, puis tout renvoyer. Bilan : un solde mensuel négatif et une perte sèche de plusieurs dizaines de dollars, sans parler de la démoralisation face à l’effort fourni.
Autre effet pervers de cette politique : l’impossibilité pour l’auteur de savoir pourquoi le livre a été retourné. Était-ce un véritable problème de contenu ? Une erreur d’achat ? Ou une pure stratégie de lecture gratuite ? Amazon ne fournit aucune information à ce sujet. Il est donc impossible d’apprendre, d’améliorer l’ouvrage, ou même de savoir si l’on est victime d’un abus.
Pour celles et ceux qui comptent sur leur activité littéraire comme source principale ou complémentaire de revenu, cette incertitude est épuisante. De nombreux témoignages sur les forums KDP, Reddit ou Goodreads font état d’auteurs qui abandonnent la publication indépendante, découragés par un système qui semble jouer contre eux malgré leur travail acharné.
Mais l’impact ne se limite pas aux finances. Ces retours abusifs affectent aussi la visibilité des livres sur Amazon. En effet, les algorithmes de recommandation sont influencés par le taux de conversion, le nombre d’achats maintenus, la durée moyenne de lecture et les avis clients. Des livres avec un taux de retour élevé risquent d’être pénalisés, voire supprimés des recommandations ou déclassés dans les résultats de recherche. Un livre retourné ne compte plus comme une vente, ce qui affaiblit la dynamique commerciale du titre.
On touche ici à une profonde injustice structurelle. Un lecteur qui renvoie un livre après lecture n’est pas seulement en train de « voler » (appelons les choses par leur nom) un auteur : il contribue aussi à saper ses chances de réussite. En effet, Amazon n’est pas une bibliothèque : c’est une machine algorithmique brutale, où chaque clic, chaque note, chaque retour compte et affecte la trajectoire du livre. Les retours abusifs sont donc doublement destructeurs : ils font perdre de l’argent et enterrent la visibilité du titre concerné.
Autre dimension trop souvent négligée : le moral des auteurs. Lorsqu’on reçoit une notification de vente, on se réjouit. Lorsqu’on en reçoit vingt, on exulte. Mais lorsqu’on constate, le lendemain, que dix-huit de ces ventes ont été annulées, le coup est rude. Beaucoup témoignent d’un sentiment de trahison, de découragement, voire de honte. Certains auteurs ont même arrêté d’écrire après plusieurs épisodes de ce genre. Cela peut paraître extrême, mais dans un monde où la reconnaissance numérique est essentielle à la légitimité créative, ces revers prennent une ampleur émotionnelle considérable.
Enfin, il est important de rappeler que ce problème touche particulièrement les petits auteurs indépendants, ceux qui n’ont ni agent, ni éditeur pour défendre leurs droits ou négocier des conditions plus favorables. Ce sont eux, souvent passionnés, qui prennent tous les risques : écrire, produire, diffuser, promouvoir… et assumer seuls les retours injustes.
Vous voyez, les retours abusifs ne sont pas un simple désagrément logistique. Ils représentent une hémorragie financière, une insécurité psychologique et un handicap commercial. Tant qu’Amazon ne mettra pas en place un système plus équilibré – avec des limites de lecture plus strictes, des avertissements pour les abus répétés, une transparence minimale sur les raisons de retour – les auteurs resteront les grands perdants d’un système conçu pour satisfaire un client-roi, souvent aux dépens du créateur.

Mobilisation des auteurs…

Une mobilisation croissante des auteurs, traduisant un ras-le-bol généralisé face à des pratiques considérées comme abusives, s’est faite entendre de manière de plus en plus visible ces dernières années. Les auteurs indépendants, longtemps laissés à eux-mêmes dans ce combat, ont su créer une véritable dynamique collective, fédérant autour d’eux non seulement d’autres écrivains, mais aussi des lecteurs soucieux d’éthique, des éditeurs indépendants et des associations professionnelles du livre numérique.
L’exaspération ne date pas d’hier. Dès 2020, des premières alertes ont commencé à apparaître sur les forums anglophones de Kindle Direct Publishing, où des auteurs rapportaient des vagues de retours massifs qui suivaient parfois de gros efforts de promotion ou des campagnes de mise en avant sur les réseaux sociaux. Très vite, des témoignages similaires ont fleuri sur les groupes d’auteurs francophones, notamment sur Facebook, Wattpad, Twitter ou dans des communautés comme « Autoédition francophone ». Un phénomène particulièrement récurrent : les périodes de gratuité ou les remises temporaires coïncidaient systématiquement avec une recrudescence de téléchargements… suivis, quelques jours plus tard, de retours injustifiés.
En réaction, plusieurs campagnes ont vu le jour. Parmi les plus notables, une pétition lancée sur la plateforme Change.org en 2022 a recueilli plus de 70 000 signatures en quelques mois. Elle appelait Amazon à mettre fin à cette politique de remboursement inconditionnel des e-books, arguant qu’aucun autre produit numérique — qu’il s’agisse de musique, de films ou de logiciels — ne bénéficie d’un tel traitement de faveur. Car oui, il faut le rappeler : aucune autre plateforme n’offre une telle souplesse. Que ce soit Apple Books, Google Play Livres ou Kobo, une fois un livre acheté et téléchargé, le retour est soit impossible, soit soumis à des conditions beaucoup plus strictes.
L’argument principal des auteurs était simple : un livre n’est pas un jean ou un grille-pain. C’est un produit intellectuel, qui, une fois « consommé », ne peut plus être restitué sans qu’il y ait une perte définitive pour son créateur. D’autant plus que, comme nous l’avons vu, ce retour s’accompagne d’un coût pour l’auteur, même lorsqu’il n’est pas responsable de la demande.
Face à la pression grandissante, Amazon a fini par plier — partiellement.
Ce changement, salué par de nombreux professionnels, reste cependant largement insuffisant aux yeux de certains auteurs.
En parallèle, des initiatives se multiplient pour renforcer la solidarité entre créateurs. Des groupes privés d’entraide d’auteurs sur Facebook, Discord ou Telegram s’organisent désormais pour partager les noms des ouvrages particulièrement ciblés par les retours abusifs, et échanger des conseils pour minimiser les pertes : proposer des extraits plus conséquents en avant-première, offrir des chapitres bonus aux lecteurs fidèles, créer des versions papier à prix préférentiel, ou encourager les ventes via des newsletters privées et des boutiques indépendantes plutôt que par Amazon.
Certaines plateformes ont également pris position. Par exemple, Draft2Digital et Smashwords, deux grands agrégateurs d’e-books aux États-Unis, ont été salués pour leurs politiques plus protectrices envers les auteurs, et leur refus de systématiser les remboursements. Kobo, de son côté, a opté pour une transparence accrue, permettant aux auteurs d’accéder à plus de données sur les comportements d’achat et de lecture.
En France, même si le mouvement est plus discret, il prend de l’ampleur. L’association Les Plumes Indépendantes, ou des collectifs comme La Voie des Indés, ont commencé à intégrer la question des retours abusifs dans leurs revendications plus globales sur la juste rémunération des auteurs autoédités. Certains se tournent même vers les médias pour alerter sur ce qu’ils considèrent comme un dérèglement du marché du livre numérique, alimenté par des politiques commerciales centrées exclusivement sur le client.
Ce que cette mobilisation montre, c’est une évolution de la place de l’auteur dans l’écosystème numérique. Longtemps isolé, sans moyens d’action face à des géants comme Amazon, il commence aujourd’hui à faire entendre sa voix, à mutualiser ses ressources, et à peser sur les décisions. Même si tout reste à faire — notamment en matière de législation sur les produits culturels numériques — ces changements marquent une prise de conscience collective : le livre n’est pas un bien comme les autres, et son créateur mérite respect, rémunération et protection.
Il reste maintenant à voir si Amazon poursuivra cette ouverture en dialoguant davantage avec les créateurs. Certains suggèrent des solutions concrètes : prolonger le délai de retour au-delà de 10 % pour les livres courts seulement, limiter les retours à un certain nombre par compte par an, introduire des pénalités pour les abus manifestes, ou offrir aux auteurs un droit de réponse ou d’objection, comme cela existe déjà pour les avis clients.
Quoi qu’il en soit, cette mobilisation prouve que le rapport de force évolue, doucement mais sûrement. Et que, dans le monde numérique, il est encore possible de faire bouger les lignes — à condition de s’unir, de parler haut et fort, et surtout, de ne pas laisser la passivité ou la résignation gagner du terrain.

Des abus encouragés par les réseaux sociaux

Ce qui relevait jadis de la petite magouille isolée dans un coin discret du web a trouvé, ces dernières années, une vaste scène de promotion : les réseaux sociaux. TikTok, Instagram et dans une moindre mesure Twitter et Facebook, sont devenus le terrain de jeu idéal pour une nouvelle génération de « conseillers en économies de bout de chandelle », certains allant jusqu’à proposer des « hacks de lecture » comme s’ils livraient une recette de cookies healthy. Parmi ces astuces, celle qui consiste à acheter un e-book sur Amazon, le lire dans son intégralité, puis le retourner pour remboursement a trouvé un écho inattendu.
Des vidéos, parfois vues plusieurs centaines de milliers de fois, expliquent étape par étape comment profiter de cette politique de retour, souvent avec une désinvolture troublante. L’argument invoqué ? “Pourquoi payer un livre numérique quand Amazon te le rembourse sans poser de questions ?” Certaines vidéos, sous couvert d’humour ou de second degré, franchissent clairement la ligne jaune, banalisant, voire légitimant, une forme de piraterie moderne. Il ne s’agit plus ici de cas isolés, mais d’un phénomène systémique qui prend racine dans une culture numérique de l’instantanéité, de la gratuité et du “droit au tout”.
La viralité de ces contenus a un double effet : elle amplifie le problème, en faisant connaître cette faille à des personnes qui ne l’auraient jamais envisagée, et elle crée un effet de masse déculpabilisant. “Tout le monde le fait, pourquoi pas moi ?”, devient la devise implicite. Ce mimétisme numérique, doublé de l’illusion d’impunité offerte par l’anonymat en ligne, alimente des comportements qui, dans d’autres contextes, seraient socialement inacceptables.
Pire encore : certains créateurs de contenu ont transformé ces “tutos d’économie” en véritables niches de popularité. Des comptes TikTok dédiés exclusivement aux astuces pour contourner les systèmes de paiement sur diverses plateformes (dont Amazon Kindle) émergent et prospèrent. Ces influenceurs du mauvais goût monétisent parfois même leur audience par le biais de liens d’affiliation… tout en incitant leurs followers à contourner le système.
La réaction d’Amazon sur ce point précis reste timide. La plateforme modifie certaines règles, mais ne semble pas encore décidée à s’attaquer aux racines du problème, notamment la diffusion massive de ces pratiques sur les réseaux sociaux. En l’absence de véritables sanctions, que ce soit contre les utilisateurs ou les créateurs de contenu qui les promeuvent, une sorte de tolérance implicite s’installe.
Il est légitime de se demander quel autre domaine accepterait cela. Imaginez un instant des vidéos expliquant comment porter un vêtement une soirée avant de le retourner pour remboursement. Cette pratique est bien connue, mais socialement décriée. Pour les livres numériques, la critique semble moins spontanée. Peut-être parce qu’un e-book n’a pas de “matière”, pas de présence tangible ? Pourtant, il contient un bien bien plus précieux : l’intellect, la sensibilité, la voix de quelqu’un.
En banalisant ces abus via des réseaux sociaux, on envoie un signal dangereux : celui que la création littéraire – et par extension la culture – est un bien gratuit, que l’on peut consommer puis jeter, sans égard pour celles et ceux qui la produisent. Ce comportement, bien que techniquement autorisé par certaines plateformes, fragilise à terme un écosystème déjà précaire, en particulier pour les auteurs indépendants.
Il serait grand temps que les plateformes sociales, souvent promptes à censurer pour un mot de travers, prennent leurs responsabilités face à ce type de dérive. Les auteurs, eux, n’ont pas les moyens de lutter seuls contre un algorithme plus puissant que leurs droits. Et les lecteurs, aussi séduits soient-ils par ces astuces, gagneraient à se demander s’ils aimeraient que leur propre travail soit ainsi utilisé, lu, puis effacé… comme s’il n’avait jamais compté.

Un appel à la responsabilité des lecteurs

Il est essentiel, et même urgent, de rappeler que derrière chaque e-book se cache un véritable travail d’artisan, souvent solitaire, laborieux et surtout, profondément humain. Loin de l’image fantasmée d’un écrivain allongé sur un transat au bord de la mer en sirotant un mojito pendant que l’inspiration coule comme une source divine, la réalité est bien plus rude : nuits blanches, relectures interminables, doutes permanents, recherches longues et minutieuses, corrections à n’en plus finir, et parfois même, auto-financement de couvertures, de relecteurs ou de traducteurs. Ce processus de création peut durer des mois, voire des années. Chaque livre est donc un condensé de sacrifices, d’efforts et d’engagements personnels.
Lire un livre en entier, puis le retourner simplement parce qu’on le peut, sans autre justification que l’opportunité d’un remboursement facile, revient à nier la valeur de ce travail. Ce n’est pas seulement une fraude technique ; c’est un acte profondément irrespectueux envers la personne qui a donné vie au texte. Il ne s’agit pas ici de pointer du doigt un lecteur distrait qui se trompe dans son achat ou qui découvre trop tard qu’un livre ne correspond pas à ses attentes – pour cela, Amazon offre déjà un large extrait gratuit, parfois plusieurs dizaines de pages, permettant largement de se faire une idée du style, du ton et du contenu de l’ouvrage. Il s’agit d’une toute autre catégorie de lecteurs, ceux qui ont fait du système de remboursement un mode de consommation à part entière.
Il faut ici remettre la notion de responsabilité individuelle au centre du débat. Acheter un livre, c’est aussi poser un acte de soutien à la culture et à la création littéraire. Refuser de le payer tout en le consommant intégralement, c’est en revanche un acte de prédation. Ce comportement, s’il se généralise, menace directement la viabilité économique de milliers d’auteurs indépendants. Pour nombre d’entre eux, chaque euro compte. Et lorsqu’un lecteur retourne un livre après lecture complète, ce n’est pas simplement une vente annulée : c’est une perte nette, car les frais de distribution (même minimes) restent à la charge de l’auteur, qui voit son revenu amputé, voire plongé dans le rouge.
Il est également bon de rappeler que les auteurs ne sont pas des multinationales. La majorité des écrivains autoédités sur KDP ou d’autres plateformes vendent quelques dizaines, parfois quelques centaines d’exemplaires de leurs ouvrages, dans le meilleur des cas. Rares sont ceux qui vivent confortablement de leur plume. Dès lors, imaginez ce que représente un retour abusif de plus : non seulement un revenu en moins, mais aussi un message implicite selon lequel leur travail n’a pas de valeur. En ce sens, le lecteur a un pouvoir immense : celui de valoriser ou de saboter un effort créatif.
L’argument souvent invoqué – « Amazon le permet, donc pourquoi ne pas en profiter ? » – est fallacieux. La légalité d’une action ne garantit pas sa moralité. Le système n’est pas toujours éthique dans sa conception, et chacun est libre de choisir s’il veut s’en servir pour construire ou pour détruire. Dans un monde où la culture est déjà fragilisée par la course à l’instantané, à la gratuité et à la consommation éclair, il serait salutaire de retrouver un peu de bon sens et de respect envers les créateurs.
À Écueil Éditions, comme dans bien d’autres structures littéraires indépendantes, nous avons décidé de croire en la responsabilité des lectrices et des lecteurs. Non pas en les idéalisant, mais en espérant qu’une partie d’entre eux comprendra que soutenir un auteur, c’est aussi faire preuve d’un certain sens de l’éthique. Ce n’est pas tant une question d’argent qu’une question de principe : payer pour un livre que l’on lit, c’est reconnaître que les mots ont une valeur, que la pensée a un prix, et que l’imaginaire mérite d’être respecté. Mais cela nous arrive aussi… Nous avons ce genre cancrelat qui achète puis retourne et nous ne saurons jamais les raisons… mais il ne faut pas avoir fait des études poussées pour comprendre…
Dans ce contexte, il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur tous les lecteurs – loin de là. Beaucoup soutiennent les auteurs avec fidélité, laissent des commentaires bienveillants, recommandent les œuvres à leur entourage. Ce sont eux qui font vivre la chaîne du livre. Ce sont eux qui, par leur engagement, compensent en partie les effets destructeurs des abus. Mais justement, ce sont aussi eux qui subissent, indirectement, les conséquences de cette logique perverse. Car un auteur découragé par les retours injustifiés, qui voit ses revenus fondre à vue d’œil, est un auteur qui écrira moins. Ou qui cessera tout simplement d’écrire.
Il est donc crucial que cette problématique, longtemps reléguée au rang d’anecdote ou de plainte marginale, soit prise au sérieux. Il appartient à chacun, lecteur comme plateforme, de redéfinir les règles du jeu et de s’interroger : quelle place veut-on donner à la création ? Quel avenir souhaitons-nous pour la littérature indépendante ? La réponse se lit peut-être entre les lignes, mais elle commence, très concrètement, par un acte aussi simple qu’honorable : acheter un livre, et le garder.
À Écueil Éditions, nous croyons en une littérature libre, humaine, et respectée. Nous croyons qu’un auteur, quel que soit son parcours ou son genre de prédilection, mérite qu’on lise son livre jusqu’au bout parce qu’on l’a payé. Nous croyons que la gratuité doit rester un choix offert par le créateur, non une stratégie rusée du consommateur. Et surtout, nous croyons que l’avenir du livre numérique peut être beau, vaste et diversifié… à condition de ne pas le saboter à coups de clics trompeurs.
En somme, cette problématique est loin d’être anecdotique. Elle touche au cœur de ce qui fait la richesse d’une société : sa capacité à valoriser la création, à récompenser l’effort intellectuel, et à faire vivre des récits qui changent les vies. Alors lisons, achetons, partageons, mais avec le respect de celles et ceux qui, dans l’ombre de leurs écrans, façonnent les histoires que nous emportons dans nos cœurs. Parce qu’un monde où les livres ne valent plus rien est un monde qui commence à perdre son âme.
Et pour bien concrétiser tout ce qui s’est dit, rien de mieux que la pratique, avec l’engouement que suscite depuis sa sortie ce roman de Neil Wood, un auteur qui refuse les RS et reste dnas sa grotte… mais qui sait toucher au coeur et retourner les lecteurices…

LAISSEZ-VOUS EMPORTER DANS CETTE HISTOIRE PROFONDE ET ÉMOUVANTE QUI LAISSE DES TRACES APRÈS LECTURE…. UNE HISTOIRE POIGNANTE QUI MARQUE ET QUESTIONNE, SE PASSANT DANS UN MONDE RURAL ET TRAITANT DES SUJETS AUSSI IMPORTANTS QUE L’HOMOPHOBIE, L’INTOLÉRANCE, LES COMBATS CLANDESTINS, L’AMOUR ET LA PEUR D’AIMER…

Résumé : 

RÉSUMÉ :

Nicolas n’a jamais été comme les autres. Né d’une rencontre sans lendemain, élevé à la dure par un père qui ne l’a jamais accepté, il a appris très tôt à dissimuler ce qu’il est, ce qu’il ressent. Seul Larry, l’ami d’enfance, comprend la sensibilité qui bouillonne en lui. Mais quand la vie à la ferme devient insoutenable, Nico va s’entraîner sans relâche à la boxe pour devenir le meilleur. Et quand les dettes s’accumulent, Nicolas plonge dans un univers addictif pour aider son père financièrement, rejoignant un « Fight Club » et participant à des combats clandestins, brutaux et sans pitié.
Entre amours interdits et combats sauvages, jusqu’où Nicolas ira-t-il pour enfin être vu, aimé, accepté ?

Une histoire sensuelle et bouleversante, où l’amour n’a pas de modèle et où les âmes égarées trouvent parfois leur place là où elles s’y attendaient le moins.

PROLOGUE :

Il faisait encore nuit quand elle est arrivée sur le chemin de terre, avançant à petits pas maladroits, ses chaussures à talons enfoncées dans la boue gluante jusqu’aux chevilles. L’automne venait d’étendre sa brume sur les champs endormis, et le silence du matin n’était troublé que par les grognements lointains des porcs, là-bas, dans le bâtiment sombre derrière la grange.
Elle s’appelait Julie. Dix-huit ans à peine, mais elle en paraissait déjà trente ce matin-là, les yeux bordés de cernes noirs, son mascara formant des traînées sombres sur ses joues pâles et rougies par le vent froid. Elle serrait autour de ses épaules un manteau trop fin pour la saison, avançant comme une ombre perdue sur une terre étrangère.
Julie avait rencontré Luc lors d’un bal de campagne à Saint-Léonard-de-Noblat. Un bal de ceux où la jeunesse oublie sa solitude dans l’alcool, où les vieux tubes de Johnny se mêlent aux rires gras et aux verres remplis à ras bord de whisky bon marché. Luc n’était pas du genre à séduire. Il prenait, sans jamais demander, avec la rudesse des hommes habitués à soumettre la terre et les bêtes. Julie ne s’était pas défendue. Peut-être n’en avait-elle pas eu la force ou l’envie. C’était plus simple de ne rien dire, de laisser les choses arriver.
Cinq mois après, la voilà qui débarquait à la ferme, son ventre déjà arrondi sous son manteau usé, cherchant un abri, espérant que l’enfant qu’elle portait était bien celui de Luc, même si elle n’en était pas totalement certaine. Luc l’avait laissée entrer chez lui, mais il ne lui avait jamais vraiment ouvert sa porte. Elle était là, invisible, tolérée seulement parce qu’elle pouvait encore servir : faire la vaisselle, nourrir les animaux, repasser les chemises qui empestaient la sueur et l’alcool. Parfois, il venait chercher dans son lit ce qu’elle ne refusait jamais, par peur ou par indifférence. Il n’y avait pas de douceur dans ses gestes, pas de chaleur dans ses regards. Rien d’autre que le vide brutal de sa présence.
Le soir où Nicolas est né, un violent orage de mars frappait la ferme, noyant les champs et transformant les chemins en torrents boueux. Julie criait seule, prise dans les douleurs fulgurantes de l’enfantement. Luc, ivre dans l’étable, n’avait appelé ni médecin, ni sage-femme comme si ça ne le concernait pas. C’est une voisine, alertée par les cris paniqués au téléphone de la jeune fille, qui avait couru à travers les champs détrempés pour venir l’aider. Elle avait attrapé l’enfant, coupé le cordon, puis l’avait lavé, enveloppé dans une serviette élimée. « C’est un garçon », avait-elle murmuré d’un air grave, comme si cette vérité allait changer quelque chose au drame silencieux qui se déroulait dans cette chambre obscure. Les secours arrivèrent juste après…
Luc mit deux jours avant d’approcher son fils. Il tournait autour du berceau improvisé, les bras ballants, le regard fuyant, comme un animal sauvage face à quelque chose qu’il ne comprenait pas. Finalement, il s’était penché sur l’enfant, l’air gêné, presque honteux, et avait murmuré :
— On l’appellera Nicolas.
Puis il avait tourné les talons, laissant derrière lui Julie avec ses yeux cernés et Nicolas, dont les petits poings se serraient déjà contre l’indifférence du monde.
Dans les jours suivants, Luc observait l’enfant comme une énigme qui lui résistait. Il ne savait pas quoi faire de ce petit corps fragile, ce corps qui occupait tout l’espace de la ferme avec ses cris, son silence, sa présence encombrante. Julie, elle, attendait que l’amour lui vienne naturellement, qu’il descende dans son cœur et illumine son âme. Mais rien ne venait. Ni chaleur, ni haine. Juste une immense fatigue, un détachement douloureux qu’elle portait chaque jour davantage.
Elle resta encore trois mois. Trois mois à espérer sans succès que Luc changerait, qu’elle-même serait capable d’aimer ce petit être. Trois mois à comprendre que ce lieu n’offrait aucun avenir ni à elle, ni à son fils. Un matin, elle partit, laissant une lettre froissée sur la table de la cuisine. Quelques mots griffonnés à la hâte : « Je suis désolée. Je ne peux pas. Prends soin de lui, si tu peux. Sinon, fais au mieux. Julie. »
Luc ne lut jamais cette lettre. Il savait déjà que ces mots ne changeraient rien. « Prendre soin », c’était un concept qu’il n’avait jamais appris. Comment prendre soin d’un autre quand il était incapable de prendre soin de lui-même ?
Désormais seul avec le bébé, Luc traversa des nuits sans sommeil, assis devant une cigarette, écoutant les pleurs incessants sans bouger, sans réagir, avec cette indifférence terrible qui tue plus sûrement que les coups. Avant que la femme du paysan d’à côté ne prenne en charge ce bébé durant la journée, effrayée par les comportements de Luc.
Il ne haïssait pas Nicolas. C’était pire. Il ne le voyait pas. Ou plutôt, il refusait de le voir. Pour lui, un enfant devait apprendre la dureté du monde dès le berceau. Il fallait devenir fort, résister à la douleur, à la solitude, à l’abandon.
Mais Nicolas était là, vivant malgré tout, malgré le froid, malgré l’absence de caresses et de mots doux. Déjà son corps, même si petit, apprenait à encaisser, à résister. À survivre dans ce silence glacé et ces regards absents, attendant qu’un jour peut-être, quelqu’un lui apprenne enfin ce que voulait dire le verbe « aimer ».L’euphorie des fêtes s’était doucement estompée, laissant place à quelque chose de plus vrai, de plus tangible. 

EXTRAIT :

Nicolas grandit donc dans cette ferme plantée au milieu de nulle part, entre Pierre-Buffière et Saint-Hilaire-Bonneval. Une parcelle de terre battue par les vents, encerclée de haies épaisses et de forêts rudes où les arbres semblaient se courber sous le poids du ciel gris du Limousin. Un lieu silencieux, presque secret, sculpté dans la même matière dure et austère que son père : une terre qui résiste, sèche et difficile à apprivoiser.
Luc ne parlait pas beaucoup. Chaque mot qui sortait de sa bouche était un effort, une douleur ; il donnait ses ordres en mâchant ses phrases avec hargne, comme si chaque syllabe était une écharde coincée au fond de sa gorge. Lorsqu’il regardait son fils, ce n’était jamais directement, jamais franchement. Toujours un coup d’œil rapide, gêné, presque honteux, comme on détourne le regard d’une blessure mal cicatrisée ou d’une pierre coincée dans sa botte, que l’on refuse pourtant d’enlever.
Mais fort heureusement, Nicolas n’était pas complètement seul. Il y avait les Eastwood. Les seuls voisins « non paysans » que Luc tolérait — c’est exactement comme ça qu’il le formulait, comme si leur présence nécessitait de sa part un effort surhumain. Thomas Eastwood, le père, était américain. Il s’était établi dans ce coin isolé par amour pour la région, fasciné par ses paysages accidentés et sa nature sauvage, profitant d’une opportunité professionnelle qui lui permettait de rester discret. Thomas était un homme doux, réservé, avec une voix calme et profonde qui contrastait nettement avec la rudesse locale. Il affichait toujours un sourire simple, authentique, un sourire auquel personne, pas même Luc, ne pouvait réellement résister.
« Un gars pas comme les autres », grognait Luc, laissant planer une ambiguïté étrange. Était-ce un compliment, une critique ? Personne n’aurait su le dire précisément. Mais Thomas, lui, ne se souciait guère de ces nuances. Il restait neutre, toujours à bonne distance. Là où les autres voisins avaient fini par se brouiller avec Luc, embourbés dans des querelles de clôtures, d’argent ou de vieux ressentiments, Thomas avait su trouver le juste milieu. Suffisamment proche pour que Luc le tolère, mais suffisamment distant pour éviter les conflits inutiles. Parfois, il arrivait même qu’il se présente à la ferme, sans prévenir, une bouteille de whisky à la main, comme un passeport discret pour apaiser temporairement la mauvaise humeur permanente du père de Nicolas. Ces rares moments permettaient une sorte de trêve, fragile mais réelle, dans le monde tumultueux de Luc.
Alors, ce dernier lui accordait une place. Minuscule, certes. Mais une place malgré tout.
Nicolas éprouvait toujours une joie sincère, une sorte de soulagement intense lorsque Thomas débarquait à la ferme, même si ces visites se faisaient terriblement rares. À chaque fois qu’il apercevait la silhouette familière de l’Américain s’approcher lentement sur le chemin de terre, quelque chose en lui s’apaisait soudain. La ferme, si vide et si froide habituellement, prenait alors brièvement une teinte plus douce, un air presque chaleureux. La voix posée de Thomas et son sourire discret avaient sur Nicolas l’effet d’un baume miraculeux, capable de calmer ses inquiétudes et ses tristesses accumulées.
La simple présence de cet homme était réconfortante pour lui, comme un souffle d’air frais dans une pièce étouffante. Elle lui rappelait que tous les hommes n’étaient pas forcément comme son père : durs, indifférents et cruels. Thomas représentait tout ce que Luc n’était pas. Il incarnait la patience, la bienveillance silencieuse, l’écoute sans jugement. Et chacune de ses apparitions apportait un peu de légèreté dans le quotidien lourd et pesant du garçon.Mike leva les mains, faussement offensé. 

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Toujours autant populaire cette série de Tom Huxley qui séduit encore autant de lecteurices et nous en sommes très fiers… YUKON 1 & 2 & 3

Jérémie, sportif de haut niveau évoluant en NHL arrive à Montréal, où il loge chez son frère Max et sa femme Brigitte. Après des bagarres à l’entraînement dues notamment à cause de son orientation sexuelle qu’il veut vivre au grand jour, il est suspendu durant des mois par la fédération.

Dylan le meilleur ami de son frère et associé dans leur cabinet de designer est d’accord pour le prendre avec lui dans le Yukon, où il a un magnifique chalet et passe toutes ses vacances là-bas.
Va naître des sentiments entre les deux hommes et un destin commun, Dylan étant père de deux adorables garçons mais cachant un terrible secret. 

S’Wonderful, une série palpitante qui va vous faire voyager et aimer la vie malgré les aléas. Une romance MM de 5 tomes qui va vous permettre de découvrir le parcours de Romain, un homme marqué par les épreuves mais se rappelant sans cesse que l’existence d’un homme est une poussière d’étoile, et qu’il vaut mieux n’en retenir que le merveilleux…      Vous pouvez découvrir les deux premiers tomes passionnants et très émouvants en version e-book, papier ainsi que gratuitement  dans la bibliothèque amazon :  

Publié par Didier Berger auteur

Passionné des mots, Didier Berger a publié plusieurs romans à Paris et en Suisse. Lauréat de concours de nouvelles, il a également publié de nombreux textes et nouvelles dans des revues littéraires, magazines et journaux de France, de Suisse et du Canada. Citoyen du Monde avant tout, grand voyageur, il a parcouru le globe sac à dos à maintes reprises et côtoyé de nombreux peuples et cultures différents, ce qui lui permet d’avoir un esprit d’ouverture fort apprécié. Grand amoureux de la nature, il préfère les grands espaces aux villes.

2 commentaires sur « Le fléau des retours abusifs d’e-books sur Amazon : une menace pour les auteurs et l’intégrité du marché »

  1. Un bel article qui met en avant une problématique qui pour une lectrice comme moi n’était pas au courant. Je ne me préoccupe pas beaucoup de ce qui se passe derrière la vente.

    Pour les ebooks, j’avoue être mitigé d’en acheter au prix presque équivalent à un prix du livre papier neuf. Je vais privilégier plutôt des ebooks hors droits d’auteur.

    Cependant, suis-je étonnée de ce que je lis sur Amazon? Non pas vraiment. On parle quand même du plus gros GAFAM qui existe et à l’heure actuelle, les droits de chacun ne sont pas vraiment leur priorité. Honnêtement, je ne savais pas pour les retour de ebook, cela n’a pas de sens. Je peux comprendre pour les livres papiers (et encore !).

    Qu’en est-il des frais que les auteurs doivent payer sur les autres plateformes comme Kobo par exemple ?

    Pour déjà l’avoir évoqué dans mes commentaires précédents, je trouve dommage que les ebooks ne soient que sur Amazon, cela réduit à ceux qui n’ont et ne veulent pas la kindle (qui même avec ses performances est limitée à ses propres produits 😦 )

    Envisageriez-vous d’aller à des salons en Belgique comme celui de Love Story ? https://monslivre.be/

    Aimé par 1 personne

    1. Bonjour Kaika, et merci bcp pour votre commentaire… C’est toujours gratifiant d’apprendre des choses par ces articles ou nos romans, d’ailleurs… Bien des gens ignorent les dessous de certaines mécaniques et ce, dans bcp de domaines… C’est pour ça que de temps à autres, non pas por pleurer misère mais juste pour informer, c’est utile d’éclaircir certains points… Amazon malheureusement aujourd’hui, que ce soit pour les indépendant ou les mini structures comme la nôtre, reste la meilleure et surtout, la plateforme la moins coûteuse, malgré tout les défauts que nous ne manquerons pas de continuer à relever… Cela au contraire, nous semble très utile de révéler certains aspectes et pratiques, pour que les gens se rendent compte de certaines choses, comme ces retours d’e-books qui à mon avis, reste un vrai scandale et un profit pour amazon que je n’ose imaginer… Mettre nos e-books pour l’heure, sur d’autres plateformes par l’intermédiaire d’un tiers, reste bcp plus coûteux car tout se paie. Les promesses de certaines entreprises sur la diversité et l’élargissement de nos œuvres sur toutes les plateformes numériques se veille bien de dire les commissions ou les frais qu’elles demandent, et ce qui est je pense, plutôt normal… Mais tout évolue… Donc nous attendons une solutions qui ne coûtera pas un bras à nos auteurs et moi-même, pour élargir notre diffusion… Dans l’idéal, diffuser nous-mêmes nos romans serait génial, mais vous imaginez bien que nous n’aurions aucun impact marketing… Le monde amène le monde… Pour ce qui est du salon en Belgique et bien que la Belgique soit dans notre cœur, nous ne serons malheureusement pas présents à Love Story, mais ça me semble très intérressant… À nouveau la logistique reste compliqué lorsqu’on doit traversé les frontières avec du matériel… Mais nous restons bien sûr ouverts à toutes opportunités…

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